Boulevard
Anspach, 1978
GIGOLO
DANS UN CABRIOLET ROUGE
C'est
une photo qui m'en a coûté mais qui m'a aussi libéré. Elle est
peut-être aussi, par là même, la plus importante que j'aie jamais
saisie. C'est par elle que j'ai vaincu ma timidité, ou mon
appréhension, à photographier des inconnus dans la rue. J'avais 22
ans et j'étais ébloui par les images de Jay Maisel que j'avais
découvertes quelques mois plus tôt dans un magazine. J'essayais
maladroitement de les imiter.
Le
rouge de la voiture et le pittoresque du personnage m'avaient
arrêté : la photo devait être faite. Il était arrêté à un
feu rouge et le temps était compté. Mais j'hésitais. Si je le
photographiais, sans doute allait-il sortir de sa voiture pour me
demander des comptes, me menacer peut-être. Peut-être était-il
membre d'une bande de mafiosi ? Il me regardait, j'étais figé.
Il fallait me décider, mais je trouvais encore de mauvais
prétextes : la lumière est trop dure... le fond est trop
confus... – jusqu'au moment où une camionnette de police s'arrêta
à sa hauteur. Elle faisait un écran blanc qui accentuait encore le
rouge de la voiture, et la police était maintenant là s'il devait y
avoir du grabuge. Je fis la photo.
Le
feu passa au vert et il repartit, indifférent. J'étais soulagé et
gonflé à bloc de satisfaction et de fierté. Une de mes plus
intenses expériences photographiques.
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