Rue
de la Madeleine, 2010
NUDITÉ
PUBLIQUE
La nudité publique
dérange, choque certains, embarrasse les autres. Certes, c'est aussi
selon les circonstances et les cultures, mais dans une grande ville
comme Bruxelles, elle n'a pas sa place dans l'espace public.
Mais qu'en est-il d'un
mannequin nu ? Ne s'agit-il pas là que d'une poupée,
grandeur nature, plutôt réaliste par certains aspects, certes, mais
qui reste néanmoins un objet ?
Je ne me souviens plus
très bien des circonstances dans lesquelles cette photo fut prise.
C'était au bas de la rue de la Madeleine, où se tient une sorte de
marché à babioles pour touristes. Ce mannequin se tenait ainsi
affublé, à la vue de tous, dans une échoppe qu'on avait désertée.
Singulièrement, on avait pris soin de « l'habiller »,
comme s'il fallait faire quelque chose, fût-ce peu, pour que la
pudeur ne soit pas attentée.
Mais quel accoutrement
bizarre ! Un bonnet digne d'hivers sibériens et une écharpe
dont la couleur orange a pour effet d'attirer le regard sur ces seins
qu'elle tente approximativement de cacher... et c'est tout ! Le
bas du corps, avec ses profils et galbes suggestifs, ne manque pas de
faire finalement, et peut-être même premièrement, converger les
regards vers ce point du corps féminin qui constitue la plus grande
affaire de l'humanité depuis qu'elle existe, et par lequel nous
sommes tous passés.
On se prend d'affection
pour ce corps offensé tant il semble l'être par surprise : il
rejette les bras en arrière, comme s'il venait d'être soudain
dévoilé, ainsi que le révèle de même l'expression troublante du
visage.
Il n'y a pas de doute
que notre phobie de la nudité publique finit par se porter sur les
objets aussitôt que ceux-ci la suggèrent, fût-ce elliptiquement.
Et révélant ainsi notre malaise, sinon notre hypocrisie, devant ce
qui nous rappelle cet angoissant fantasme qui nous hante tous :
être exposé nu en public.
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