samedi 19 septembre 2020

52 SEMAINES À BRUXELLES - Quarante-troisième semaine

 

Zinneke Parade 2012


CONVERSATION SECRÈTE

 


La photographie de rue est aujourd'hui un genre en péril. Je le crois même en voie d'extinction, comme mille de ces activités, loisirs ou métiers traditionnels que les bouleversements apportés par de successives révolutions industrielles, technologiques et sociales, auront rendus obsolètes, caduques, « dépassés », ringards.

Quand je passe en revue des clichés que j'ai réalisés quelques vingt ou trente ans auparavant, quelle richesse d'attitudes, de mimiques, de gestes, de situations ne s'offraient-ils pas au photographe ? Photographier la présence humaine dans une grande ville était une quête passionnante et fructueuse. Mais aujourd'hui, quel appauvrissement ! Qui n'a pas son nez dans son téléphone ? Qui ne le porte-t-il pas à l'oreille ? Tous sont uniment hypnotisés par l'écran, ou absorbés dans d'incompréhensibles soliloques, et paraissent comme indifférents dans un environnement qui leur est arbitrairement devenu inexistant.

Que reste-t-il au photographe soucieux de documenter l'humain ? – L'incongruité des lieux, des moments ou des circonstances dans lesquels il est fait usage du téléphone portable peut-être ?

Dans le festif tintamarre du défilé de la Zinneke Parade, alors que chaque participant a son rôle à jouer, cette jeune fille n'a osé ignorer l'impératif d'un appel. Séance tenante, au beau milieu du spectacle, elle s'est saisie de son téléphone qui la houspillait effrontément d'une sonnerie importune et insistante : « Allô ?... Oui, je suis occupée... Mais parle tout bas ; on nous écoute. »

Le collectif du spectacle ne fait pas le poids devant l'impératif solipsiste du monde totalement connecté.

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