vendredi 22 novembre 2019

52 SEMAINES À BRUXELLES - Introduction générale

Sous ce titre j'entame la publication hebdomadaire d'une photographie choisie parmi toutes celles que j'ai réalisées à Bruxelles. Cette publication s'étendra sur toute une année, c'est-à-dire cinquante-deux semaines, c'est-à-dire encore cinquante-deux photographies. Chacune d'elle sera accompagnée d'un court texte, sur l'intention duquel je reviendrai plus tard.
Toutes les photos qui se rassembleront sous ce titre ont donc en commun Bruxelles comme lieu de leur saisie. C'est là le seul lien qui les unifie dans l'exposition de cet aspect de mon travail de photographe. I'm a born street photographer, je suis un photographe de rue né – si je puis risquer cette expression – et Bruxelles a toujours été mon terrain de chasse privilégié. D'abord parce que cette ville m'a vu naître, parce que j'y ai grandi, et enfin parce qu'elle fut le terrain s'offrant spontanément à l'exercice de mes premiers pas de photographe dès le milieu des années 70. Il ne faut donc pas se méprendre quant à la nature de cette publication. Il ne s'agit en aucun cas de proposer je ne sais quel « reportage » sur une ville appelée Bruxelles. Celui qui y chercherait quelque illustration de la vie bruxelloise ou qui souhaiterait y trouver quelque matière à documenter le propre de cette ville, sera déçu. Ces photographies sont bien moins des images sur Bruxelles que des photos faites à Bruxelles. Cette ville y est plutôt le prétexte à l'exercice d'un regard personnel qu'un thème en soi.
Comme je le disais il y a un instant, chacune des photographies publiées sera accompagnée d'un texte qu'elle m'aura inspiré. Pour le dire simplement, c'est en quelque sorte un commentaire de mon cru sur mes propres photos. Mais là encore il convient de se garder de croire qu'il s'agit d'une légende de quelque étendue ou d'un commentaire qui chercherait à doubler l'image par des mots. Non pas dire ce que la photo montre immédiatement, mais plutôt la prolonger, l'étendre au-delà de ce qu'elle donne à voir, d'en ouvrir comme une dimension secrète, inattendue quelquefois, révélation d'un non-dit que toute photographie recèle implicitement.
Je ne vais pas ici exposer et commenter toutes les théories qui discutent du rapport image/langage, lequel rapport sous-tend toute appréhension d'une photographie, en oriente la « lecture » et influe sur son sens. Il y a de nombreux écrits qui en traitent, et je me contenterai d'y renvoyer le lecteur. Toute photographie appelle le langage, le provoque et l'impose comme son indéfectible complément. Une photo est primordialement un acte déictique : elle est pure monstration. C'est un index tendu qui pointe vers ce qu'il y a à voir : « Regarde ça, là ! Tu as vu ça ? ». On le voit, montrer c'est déjà dire – quand même ne s'agirait-il encore que de simples exclamations. Mais elles sont déjà la manifestation primordiale d'une expérience native, naturelle et spontanée de notre être au monde. La parole se joint naturellement au geste, et la photographie en est l'illustration. Pourquoi montrer ça, justement ? Parce que cela ne nous laisse pas indifférent. Une photographie, c'est une invitation à dire ce que l'on ressent, ce que l'image suscite comme émotions, ce qu'elle éveille comme idées, ce qu'elle permet comme interprétations possibles. C'est une façon de comprendre le monde, et parce que toute compréhension est par nature interprétation, il faut le dire.
Tout cela est inévitablement fort subjectif. C'est ma façon de percevoir et d'interpréter ces photographies qui s'exprime par là. Il ne saurait en être autrement d'ailleurs, et je considère que c'est même une vertu. Car c'est une invite à la réflexion et à la prise de position. Et ces commentaires sont d'autant plus subjectifs que je suis moi-même l'auteur de ces photographies. C'est une position privilégiée, certes, mais aussi d'autant plus singulière. Car ce que j'exprime là par ces mots, c'est justement ma propre expérience de photographe. Je dis ce que j'ai ressenti au moment de les faire, ce qui m'a poussé à appuyer sur le déclencheur, mais aussi ce qu'elles évoquent encore pour moi quand je les regarde quelquefois plusieurs dizaines d'années plus tard. L'acte de photographier ne se résume pas à la seule prise de vue ; il s'étend jusqu'à la contemplation de l'image réalisée, par quoi il acquiert une dimension vraiment universelle et partagée, puisqu'il peut être maintenant vécu par tous ceux qui perçoivent l'image qu'il met sous leurs yeux. Ce que j'ai finalement cherché à exprimer par ces textes, c'est justement cette expérience photographique que j'ai décrite ailleurs, et que je voudrais faire vivre maintenant de manière plus concrète, plus intuitive, plus vivante que ce que j'ai pu en dire précédemment dans une contexte et une langue plus « théoriques » ou « abstraits ».
Cinquante-deux photographies et leurs commentaires donc, à raison d'une par semaine. C'est une discipline que je m'impose car elle me force à réfléchir sur la portée émotionnelle que peut provoquer toute photographie, selon le contexte dans lequel est est réalisée et observée ultérieurement, et qui doit aider à comprendre le sens d'une démarche de photographe. De leur réception – ou non-réception – dépendra le projet de les publier sous forme d'un livre.

 *


                                52 WEEKS IN BRUSSELS

                                      General Introduction

Under this title I begin the weekly publication of a photograph chosen among all those I made in Brussels. This publication will extend over a whole year, that is fifty-two weeks or fifty-two photographs. Each of these will be accompanied by a short text, about which I will come back later. 

All the pictures that will come together under this title have in common Brussels as place of their capture. This is the only link that unites them in the exhibition of this aspect of my work as a photographer., I'm a born street photographer - if I can risk that expression - and Brussels has always been my favorite hunting ground. Firstly because this city saw me born, because I grew up there, and finally because it was the ground spontaneously offering itself to the exercise of my first steps of photographer from the middle of the 70s There is no mistaking the nature of this publication. It is not a question of proposing I do not know what "reportage" on a city called Brussels. Whoever looks for some illustration of the life of Brussels or who would like to find some material to document the specificity of this city, will be disappointed. These photographs are much less images on Brussels than photos made in Brussels. This city is rather the pretext for the exercise of a personal look than a theme in itself.
As I said a moment ago, each of the published photographs will be accompanied by a text it inspired me. To put it simply, it's kind of a comment of my own on my own photos. But again, we must be careful not to believe that it is a legend of some extent or commentary that seeks to double the image with words. Not to say what the photo shows immediately, but rather to extend it, to extend it beyond what it gives to see, to open it as a secret dimension, sometimes unexpectedly, a revelation of an unspoken every photograph conceals implicitly.
I am not going to expose and comment on all theories that discuss the relationship between image and language, which is the underlying theme of any apprehension of a photograph, orients the "reading" and influences its meaning. There are many writings about it, and I will just refer the reader to it. Every photograph calls language, provokes it, and imposes it as its unwavering complement. A photo is primarily a deictic act: it is pure monstration. It is a tense index that points to what there is to see: "Look here! Did you see that ? ". We can see it, to show it is already saying - even if it would be still only simple exclamations. But they are already the primordial manifestation of a native, natural and spontaneous experience of our being in the world. Speech naturally joins the gesture, and photography is the illustration. Why show that, precisely? Because it does not leave us indifferent. A photograph is an invitation to say what one feels, what the image arouses as emotions, what it awakens as ideas, what it allows as possible interpretations. It is a way of understanding the world, and because any understanding is by nature interpretation, it must be said.
All this is inevitably very subjective. It's my way of perceiving and interpreting these photographs that expresses itself there. It can not be otherwise, and I consider it to be a virtue. Because it is an invitation to reflection and taking a stand. And these comments are all the more subjective as I myself am the author of these photographs. It is a privileged position, certainly, but also more singular. Because what I express here by these words, it is precisely my own experience of photographer. I say what I felt when I made them, which pushed me to press the shutter release, but also what they still evoke for me when I look at them sometimes several decades later. The act of photographing is not just about shooting; it extends to the contemplation of the realized image, by which it acquires a truly universal and shared dimension, since it can now be lived by all those who perceive the image it puts before their eyes. What I finally sought to express by these texts is precisely this photographic experience that I have described elsewhere, and that I would like to make live now more concretely, more intuitively, more alive than I have may have said so previously in a more "theoretical" or "abstract" context and language.
Fifty-two photographs and their comments so, one per week. It is a discipline that I impose myself because it forces me to reflect on the emotional scope that can cause any photography, according to the context in which is is realized and observed later, and which must help to understand the direction of demarche of a photographer. From their reception - or non-reception - will depend the project to publish them in the form of a book.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire