samedi 23 novembre 2019

52 SEMAINES À BRUXELLES - Première semaine

Boulevard Anspach, 1978

GIGOLO DANS UN CABRIOLET ROUGE



C'est une photo qui m'en a coûté mais qui m'a aussi libéré. Elle est peut-être aussi, par là même, la plus importante que j'aie jamais saisie. C'est par elle que j'ai vaincu ma timidité, ou mon appréhension, à photographier des inconnus dans la rue. J'avais 22 ans et j'étais ébloui par les images de Jay Maisel que j'avais découvertes quelques mois plus tôt dans un magazine. J'essayais maladroitement de les imiter.
Le rouge de la voiture et le pittoresque du personnage m'avaient arrêté : la photo devait être faite. Il était arrêté à un feu rouge et le temps était compté. Mais j'hésitais. Si je le photographiais, sans doute allait-il sortir de sa voiture pour me demander des comptes, me menacer peut-être. Peut-être était-il membre d'une bande de mafiosi ? Il me regardait, j'étais figé. Il fallait me décider, mais je trouvais encore de mauvais prétextes : la lumière est trop dure... le fond est trop confus... – jusqu'au moment où une camionnette de police s'arrêta à sa hauteur. Elle faisait un écran blanc qui accentuait encore le rouge de la voiture, et la police était maintenant là s'il devait y avoir du grabuge. Je fis la photo.
Le feu passa au vert et il repartit, indifférent. J'étais soulagé et gonflé à bloc de satisfaction et de fierté. Une de mes plus intenses expériences photographiques.

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