samedi 11 janvier 2020

52 SEMAINES À BRUXELLES - Huitième semaine

Chaussée de Vilvorde, 1980



CRÉPUSCULE




Peut-on photographier ses émotions, son ressenti, ses états d'âme ? Je veux dire les photo­graphier directement, comme des objets docilement posés devant l'objectif, immobiles et adéquatement éclairés. – Soyons prudents avant de répondre « non » d'un ton trop décidé.

C'était un dimanche soir, en hiver, et déjà la nuit s'apprêtait à couvrir la ville. J'avais marché de longues heures à la recherche d'images mais la moisson avait été maigre. La fatigue et l'ennui m'avaient saisi. J'avais froid et je ne souhaitais rien d'autre que de rentrer chez moi. J'en étais loin encore, et la rareté des transports en commun en ce dimanche soir balayait l'espoir d'y parvenir rapidement. Un irrésistible cafard m'envahit comme une nausée.

C'était un dimanche soir, en hiver, et j'étais las. La lumière se faisait déjà incertaine, confondant le chien et le loup ; le ciel se para des couleurs crépusculaires de mon abattement.

C'était un dimanche soir, en hiver, et la fin du jour se faisait fin du monde. Le canal figé aux eaux tristes, la solitude de deux phares allumés, les néons criards de la station-service déserte, conspirèrent pour composer un paysage à l'image de ma mélancolie.

J'en fis la photo. Chaque fois que je la regarde, je revis avec une invincible vitalité cette morosité que j'avais projeté sur le monde, un dimanche soir, en hiver.

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